24-26 avr. 2019 Toulouse (France)
L'écologie historique de la végétation : retour vers le futur.
Guillaume Decocq  1, *@  
1 : Ecologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés
Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7058, Université de Picardie Jules Verne
Université de Picardie Jules Verne Amiens France -  France
* : Auteur correspondant

Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, certaines sciences humaines et sociales ont pris en compte de manière croissante l'environnement naturel pour interpréter le développement des sociétés humaines. Dans le même temps, les sciences naturelles et l'écologie ont pris de plus en plus en compte l'histoire des pratiques humaines dans les études portant sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. L'écologie historique a émergé comme une approche interdisciplinaire qui appréhende les écosystèmes en tant qu'héritage des interactions passées entre activités humaines et environnement naturel au cours des temps historiques. Dans cette présentation, j'essaierai de synthétiser les développements passés et présents dans ce champ, du point de vue de l'écologie des communautés végétales.

Les premières recherches se sont focalisées sur les changements de végétation à l'échelle des paysages tels que reconstitués à partir d'archives pour les périodes récentes (cartes et cadastres anciens, etc.) ou de restes végétaux pour les périodes plus anciennes (pollen, charbons de bois, diaspores, etc.). Un apport majeur a été de mettre à mal les mythes de la forêt dense comme végétation primaire en Europe et Amérique tempérée ou de la forêt « vierge » en Amazonie, par la mise en évidence du rôle des grands herbivores et des feux sur la création de vastes clairières intra-forestières, depuis les temps préhistoriques.

Plus récemment, l'écologie historique a contribué à remettre en question la prépondérance de la niche écologique dans les règles d'assemblage des communautés végétales. La comparaison de la végétation herbacée entre forêts anciennes et forêts récentes a montré le rôle majeur des capacités de dispersion des espèces, ce qui a conduit au concept d'espèce de forêt ancienne. En confirmant expérimentalement que certaines communautés végétales sont principalement déterminées par la dispersion des espèces, l'écologie historique a franchi une nouvelle étape : elle est capable de mettre en œuvre des expérimentations pour vérifier des hypothèses issues d'observations de terrain. Ces approches ont conduit à de nouveaux concepts importants comme ceux de dette d'extinction et de crédit de colonisation, deux facettes décrivant le phénomène d'hysteresis dans l'assemblage des communautés. D'autres exemples incluent l'étude des artéfacts archéologiques dans le déterminisme de certaines communautés végétales ; le ré-échantillonnage de communautés antérieurement décrites pour en apprécier les changements temporels et en inférer le rôle des différentes composantes du changement global. L'écologie historique a des liens étroits avec l'écologie de la restauration, en particulier lorsque cette dernière recherche des communautés « de référence ».

L'avenir de l'écologie historique en écologie des communautés végétales implique (1) de se rapprocher d'autres disciplines comme l'histoire environnementale, l'archéologie environnementale et la paléoécologie par exemple ; (2) développer un cadre théorique plus robuste et des concepts opérationnels ; (3) s'approprier de nouveaux outils, notamment en faisant appel à certaines nouvelles technologies, comme les techniques de télédétection, les archéosciences, l'étude de l'ADN ancien, l'analyse chimique de la matière organique des sols, etc. L'écologie historique peut apporter beaucoup à notre compréhension des communautés végétales et du fonctionnement des écosystèmes actuels à la lumière des interactions passées entre les sociétés humaines et leur environnement. Elle peut aussi aider à prédire les réponses à venir des écosystèmes aux changements environnementaux globaux et aux activités humaines sous différents scénarios.


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